L’histoire de cet avion qui devait être exploité par la petite compagnie One Caribbean a de quoi faire sourire. One Caribbean est basé à l’aéroport d’Argyle International Airport (SVD) à St. Vincent. La compagnie avait jusqu’à présent une modeste flotte de deux Saab 340.
Mais le 24 mai 2019 un événement de prépare. Un Boeing 747-400, sans autre couleur que son immatriculation N508BB se pose sur la piste de 2700 mètres d’Argyle International Airport.
L’avion est l’aboutissement d’un projet d’investisseurs locaux qui souhaitent relier l’île de St. Vincent à des destinations plus lointaines que la région des Caraïbes.
Dans un avenir proche, Saint-Vincent-et-les-Grenadines disposera de son propres 747 exploité par une compagnie aérienne basée dans le pays. Un groupe de pilotes et d’hommes d’affaires locaux veulent lancer des lignes avec un 747 basé localement. Ce service relierait Saint-Vincent à partir de différents aéroports, auxquels mon gouvernement va apporter son plein soutienRalph Gonsalves, premier ministre de Saint-Vincent-et-Grenadines
L’histoire de ce Boeing 747 tient en quelques lignes. L’avion qui porte le numéro de série 29031 avait livré à la compagnie China Airlines en septembre 1998. Équipé de 4 moteurs Pratt & Whitney PW4056 l’avion est resté en service chez la compagnie taïwanaise jusqu’en septembre 2017 avant d’être convoyé à l’aéroport de California Logistics à Victorville pour un stockage de longue durée. Puis en mai 2018 l’avion qui portait l’immatriculation B18208 est réenregistré sous le numéro N508BB par Aar Corp. Enfin en mai 2019 l’avion devient la propriété de la société Aero Intelligence. L’avion est repeint et des moteurs révisés sont remontés. Commence alors un convoyage, assuré par la compagnie canadienne Nolinor Aviation de Victorville jusqu’à Phoenix (PHX) pour arriver à St. Vincent (SVD).
L’arrivée à l’aéroport se fait en grande fanfare et le Boeing rejoint ainsi la flotte de One Caribbean qui ne compte alors à cette date qu’un unique Beechcraft 1900. Un hangar a même été construit pour accueillir ce géant. La compagnie a déposé une demande d’autorisation de vol au DOT américain par la même occasion.
C’est le début d’une longue procédure d’enregistrement de l’avion sous la gouverne de la ECCAA (Eastern Caribbean Civil Aviation Authority). Mais celle-ci n’ayant pas l’expérience pour ce type d’avion fait appel à la FAA tant la tâche représentait un challenge pour ce régulateur de la région. En effet l’ECCAA qui délivre des certificats de navigabilité pour six pays de la Caraïbe (Antigua-et-Barbuda, Dominique, Grenade, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-Grenadines et Sainte-Lucie) supervisait jusqu’alors 41 aéronefs, dont 6 hélicoptères, mais aucun gros porteur. La seule expérience tenait dans la certification d’un DC-10-10 à Antigua pour la compagnie Skyjet par la DCAECS en 1992, l’ancêtre de l’ECCAA. Un expérience restée douloureuse puisque la FAA avait retiré à la DCAECS la reconnaissance d’agrément de catégorie 1.
Finalement après l’avis de la FAA, qui ne comprenait pas pourquoi Aero Intelligence avait indiqué que l’avion serait exporté vers Antigua et non St. Vincent, d’une part et des informations fournies par One Aviation sur l’usage prévu de l’avion d’autre part, l’EECCAA s’est refusée à poursuivre la démarche d’enregistrement. L’affaire prend alors une tournure politique et le premier ministre de St. Vincent, le Dr Ralph Gonsalves a fait appel à Mia Mottley, la première ministre de Barbade, afin de l’aider à enregistrer l’avion. L’avion reçoit alors les couleurs de Barbade et est convoyé discrètement de nuit vers l’aéroport de Barbade (BGI) pour être finalement enregistré par la DCA, l’autorité barbadienne de l’aviation. C’est ainsi que le Boeing 747-400 reçoit son immatriculation 8P-ERI.
Se pose alors un nouveau problème pour One Caribbean. En effet l’avion étant désormais immatriculé à la Barbade il ne peut être exploité que par une compagnie de Barbade qui possède un certificat de transporteur aérien (CTA) délivré par l’autorité locale. Mais une solution se présente avec la compagnie charter Executive Air, basée à l’aéroport Grantley Adams International (BGI), dirigée par John Ackie qui est originaire de Saint-Vincent. Ainsi le CTA permet One Aviation de l’exploiter comme charter.
L’ambition d’ouvrir une ligne entre Dubaï et les Caraïbes peut donc reprendre espoir pour ses porteurs du projets. Toutefois le modèle économique est plombé par l’age de l’avion. Proche de la limite des 20 000 cycles le Boeing devra se conformer à une liste exhaustive de bulletins de service (SB) et de consignes de navigabilité (AD) qui vont alourdir significativement les coûts d’exploitation.
En fin de compte cet espoir est de courte durée. Le 10 août 2019 le Boeing 747 de One Aviation a quitté l’aéroport de Bridegtown (BGI) pour celui de Kansas City (MCI).
