Une étude scientifique a mis en évidence une source potentielle de substances chimiques à bord de certains avions de type ATR de la LIAT, qui pourrait présenter un risque à long terme pour l’équipage et les passagers voyageant à bord de ces appareils.
C’est ce qui ressort de l’enquête qui avait été ordonnée par la compagnie aérienne à la suite de plaintes de plusieurs pilotes affirmant qu’ils tombaient malades à la fin de leurs vols durant la période entre 2016 et juste avant la faillite de la compagnie en 2020.
Dans son rapport en date du 18 février 2019, le Dr Linroy Christian, spécialiste de l’environnement à Antigua-et-Barbuda qui avait mené l’étude, a déclaré qu’un lien avait été établi entre la cause des divers problèmes respiratoires, réactions allergiques, maux de tête et autres problèmes de santé rencontrés par les pilotes et la qualité de l’air à l’intérieur des avions.
Contacté par le journal Barbados Today, le Dr Christian a déclaré qu’il n’était pas certain que ses recommandations avaient été mises en application par la LIAT. Il a ajouté qu’il avait prévu de mener une enquête de suivi qui ne s’est pas réalisée car le transporteur aérien avait fait faillite entre temps.
L’inspection physique d’un avion a permis de constater l’accumulation de poussière et de fibres sur les surfaces du poste de pilotage et de la cabine principale. De plus, l’accumulation de poussière et d’autres matériaux visibles a été observée dans l’échangeur thermique, dans le ventilateur de circulation et dans les conduits d’alimentation du système de climatisation et de recyclage.Le ventilateur de recyclage est revêtu d’un filtre qui était entièrement recouvert de poussière et d’une substance ressemblant à de la suie. Ce dépôt noirâtre doit être analysé plus en détail en tant que source potentielle de contaminant chimique pouvant présenter un risque à long terme pour l’équipage et les passagers. Dr Linroy Christian
Il a également découvert que l’air recyclé n’était pas filtré, ce qui selon lui, entraîne l’accumulation de particules sur les pales du ventilateur de recyclage, dans l’échangeur et dans les conduites d’alimentation.
L’expert en santé environnementale a aussi souligné que l’inspection des unités de climatisation au sol (ACU) avait permis d’identifier une source supplémentaire d’allergènes potentiels.
Les filtres d’admission des ACU étaient inadéquats et n’empêchaient pas efficacement les particules fines de pénétrer dans les serpentins et les conduits de l’évaporateur. Cela a conduit à l’accumulation d’allergènes potentiels sur les serpentins de l’évaporateur et à l’intérieur du tuyau flexible raccordé à l’avion.En outre, les appareils n’étaient pas entretenus selon un calendrier défini et documenté et il n’existait pas de procédures standard pour effectuer ce type d’entretien. En ce qui concerne l’échantillonnage actif et la caractérisation des particules en suspension potentiellement allergènes par nature, l’ATR immatriculé V2-LIF a enregistré les niveaux les plus élevés de présence de fibres synthétiques, de fibres de verre, de champignons et autres particules noires. Cela indique un risque accru de contamination de l’air en circulation et de provoquer une réaction allergique chez les passagers et équipages sensibles. Dr Linroy Christian
Il a également révélé dans son rapport que le niveau de fragments de cellules cutanées était excessivement élevé dans la cabine du V2-LIF, ce qui selon lui était une indication directe de l’inefficacité de la filtration de l’air et des protocoles de désinfection par les agents du nettoyage ménager.
Le Dr Christian a également indiqué que dans deux autres ATR, le V2-LIA et le V2-LIB, ont été enregistrés des niveaux modérés de fragments de cellules de peau; cependant en quantité tolérable et bien en dessous que dans le V2-LIF.
D’après le journal Barbados Today, même si des pilotes affectés ne sont plus en activité dans la compagnie il semblerait que ceux qui y soient encore connaissent toujours des gênes pendant les heures de vol. La compagnie, qui avait suspendu ses activités en avril 2020 en raison de l’impact de la pandémie du COVID-19, a repris ses vols depuis le 1er novembre 2020 avec une première liaison quotidienne entre Antigua et la Dominique pendant un temps limité.
Ce rapport de 600 pages, qui a donné lieu à 21 recommandations, a suscité l’année dernière le dépôt d’une plainte collective contre la LIAT. Elle a été déposée devant la Eastern Caribbean Supreme Court1 à Antigua-et-Barbuda par cinq pilotes qui faisaient partie des centaines de membres du personnel licenciés dans le cadre d’un processus de restructuration visant à éviter la liquidation. Les ex-pilotes accusent la compagnie de faire échouer leurs efforts pour accéder aux tribunaux afin d’obtenir justice pour les années de souffrance qu’ils ont endurées en étant forcés de piloter des avions “infectés”.
Dans la déclaration qu’ils ont déposée devant le tribunal, les cinq anciens pilotes de la LIAT affirment que la compagnie, qui savait parfaitement qu’ils étaient tombés malades en travaillant dans ses avions, les a néanmoins obligés à continuer à travailler dans un environnement où la qualité de l’air était mauvaise. Les anciens pilotes de la LIAT affirment également que les dirigeants de la compagnie aérienne traînent les pieds pour mettre en œuvre les recommandations de l’étude scientifique.
Parmi les 21 recommandations formulées par le Dr Christian, citons la mise en place de mesures correctives immédiates et approfondies pour l’avion immatriculé V2-LIF, la prise en compte spécifique du système de climatisation et de recyclage lors des contrôles périodiques, l’amélioration de la maintenance quotidienne et approfondie et l’utilisation systématique de l’aspirateur lors du nettoyage de la cabine.
Il a également recommandé d’élaborer un programme de nettoyage en profondeur pour éliminer les particules dans les prises d’air, des capteurs de zone, des tableaux de bord, de l’échangeur thermique et de la soute à bagages. Le scientifique a également suggéré d’étudier la possibilité d’ajouter le nettoyage des conduits dans les procédures de maintenance et que les pilotes sujets à des réactions hyper-allergiques ne soient plus affectés sur les avions identifiés dans l’étude jusqu’à ce que les mesures correctives aient été mises en place.
(1) : Cour suprême des Caraïbes orientales qui comprend 6 états indépendants et 3 territoire d’outre-mer britanniques
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